Description du projet

Depuis plusieurs années, travail autour d’oeuvres littéraires avec des professeurs de lettres en lycée.

Quelques images réalisées par les élèves de première (STMG du lycée Théodore Aubanel à Avignon) à partir des extraits du Coeur cousu de Carole Martinez sur le thème de la Nature morte.

Prologue Ce matin, j’ai enfin ouvert la boîte que chacune de mes soeurs a ouverte avant moi et j’y ai trouvé un grand cahier, de l’encre et une plume. Alors, j’ai attendu, j’ai attendu la nuit, j’ai attendu la maison vide et noire. J’ai attendu qu’il soit l’heure d’écrire enfin.Je me suis assise dans l’ombre de la cuisine, j’ai allumé le quinquet au-dessus de la grande table en bois. Il a éclairé les carcasses de casseroles, les vieux torchons, il a peu à peu réchauffé les odeurs du repas. Je me suis installée à cette table, j’ai ouvert mon cahier, lissant ses grandes pages blanches, un peu rugueuses, et les mots sont arrivés.

 La robe de mariée Frasquita n’avait jamais essayé sa robe avant ce jour. Elle se prépara seule et l’enfila comme une nouvelle peau. Elle se regarda alors dans le miroir qu’on lui avait prêté. Elle n’y vit que des miettes d’elle-même. Mais chacun des fragments qu’elle découvrait lui paraissait plus splendide que le précédent. Elle releva ses cheveux sombres, les tressa avec des fils de soie blancs et ocre et accrocha au haut peigne planté dans son chignon un voile somptueux d’une dentelle éclatante, aussi fine qu’une toile d’araignée. Le voile se déversait au sol en cascade, fluide et vivant, animé par les jeux d’ombre et de lumière. Dans le miroir, chaque boucle, chaque élément du chef-d’oeuvre trouva sa place. Elle vit un regard profond, tellement noir dans tout ce blanc, elle vit ses lèvres ourlées pour la première fois. Elle surprit même un sourire délicieux qu’elle ne se connaissait pas. Elle eut peur d’abord, tant cette image lui était étrangère, il lui fallut un temps pour se familiariser avec cette femme en partance pour ses noces. Elle fit plusieurs fois le tour de la pièce et s’adopta.

 Le grand miroir « Mon Dieu, comme il est grand ! Il ne passera jamais la porte de la couturière !

  • Vous verrez qu’elle devra nous le laisser au beau milieu de la cour !

  • Ne rêve pas ! C’est du sur-mesure. Ils ont tout calculé.

  • Regardez, les vieilles, c’est votre reflet qui passe ! On dirait un tableau, vous voilà enfermées dans un cadre doré !

  • Elles se donnent des airs en se regardant. Toutes noires, assises sur le pas des portes, elles sont comme mortes !

  • Pas encore, les morts n’aiment pas les miroirs ! »