Le Murmure des Égarés avec Emmanuel Faivre & Je traverse le fleuve / Galerie Éphémère-Essence Carbone

Le Murmure des Égarés rassemble des images et des sons réalisés en Islande au printemps 2024.

Avec Emmanuel Faivre, nous avons suivi les pas des marins-pêcheurs bretons partis pêcher la morue dans les eaux glacées d’Islande dont certaines goélettes débarquaient dans le port morutier de La Rochelle. Notre envie est de rappeler à la mémoire ces «Islandais» dont beaucoup ne revinrent jamais au pays. Faire entendre leur voix, ne serait-ce que par un murmure… Le Murmure des Égarés.

&

Je traverse le fleuve travail réalisé dans le cadre de La route des Résidences, Villa Saigon et Villa Marguerite Duras (instituts français du Vietnam et Cambodge) Fonds de dotation La Petite Escalère.

Exposition du 8 août au 1 er Septembre à la Galerie Éphémère-Essence Carbone, Espace Investissement.

Le Murmure des Égarés avec Emmanuel Faivre & Je traverse le fleuve / Galerie Éphémère-Essence Carbone

Le Murmure des Égarés rassemble des images et des sons réalisés en Islande au printemps 2024.

Avec Emmanuel Faivre, nous avons suivi les pas des marins-pêcheurs bretons partis pêcher la morue dans les eaux glacées d’Islande dont certaines goélettes débarquaient dans le port morutier de La Rochelle. Notre envie est de rappeler à la mémoire ces «Islandais» dont beaucoup ne revinrent jamais au pays. Faire entendre leur voix, ne serait-ce que par un murmure… Le Murmure des Égarés.

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Je traverse le fleuve travail réalisé dans le cadre de La route des Résidences, Villa Saigon et Villa Marguerite Duras (instituts français du Vietnam et Cambodge) Fonds de dotation La Petite Escalère.

Exposition du 8 août au 1 er Septembre à la Galerie Éphémère-Essence Carbone, Espace Investissement.

APNÉE Texte Emmelene Landon

APNÉE.  Écrit de Emmelene Landon pour le livre Apnée

Extraits.

Aurélia et moi nous baladons sur l’île de Ratonneau, en pleine lumière, à chaque pas des papillons jaunes surgissent des buissons. La blondeur d’Aurélia reflète le soleil. Nous ne nous sommes pas vues depuis un an, peut-être deux. Nous nous retrouvons sur cette île, dans l’empreinte laissée par ses photos, comme quand on ferme les yeux après avoir regardé le soleil. Une tache. Comment mémoriser une tache ? Comment décrire un éblouissement ? Comment garder l’empreinte d’un éblouissement ?
(On arrête de respirer.)
Nous marchons au soleil, dans une mémoire obscure de ses photos. Rien de tel que le noir pour mettre en valeur l’éblouissement. On regarde les photos d’Aurélia, happé, attiré par la lumière. C’est le noir qui reste. Le noir au réveil, quand on essaie de se rappeler d’un rêve. Un souvenir flou d’une importance partie en fumée, ne laissant que la nécessité. L’ombre d’une richesse inouïe d’un vide. Le réveil nous ramène au monde.
(Sans rien retenir.)
Aurélia crée des images au bord de l’évanouissement avec le regard d’un animal. Si Yasujirô Ozu filme à hauteur d’enfant, Aurélia photographie à hauteur d’animal. L’œil anticipe le monde en courant entre deux états. Trajectoires entre les buissons, dans la forêt, d’un point d’eau à un nid mousseux. Elle se dérobe comme un animal, elle se retient, entre le visible et le caché.
(Trouver un coin pour dormir.)

Ce qu’elle révèle dépasse le sujet, déjà tombé dans l’oubli. On s’y accroche en vain. Le passé est devenu poussière et nous passons devant, renvoyés à la disparition de ce que nous avons de plus précieux. Nous passons devant la vision en strates de tous nos états, surtout les plus archaïques. Le tunnel est là. Tomber ou voler.
(Voler.)
Aurélia vole, mais elle a une peur bleue de l’avion. Pourquoi ? L’avion nous déplace. L’avion nous offre cette vue magnifique au dessus de la terre. Mais Aurélia déteste prendre l’avion, qui enferme les passagers comme des sardines en boîte. Pour prendre l’avion, il faut qu’elle sorte de la réalité. Elle pourrait en revanche voler comme la jeune femme devient moineau dans Bird People de Pascale Ferran, entre discrétion et la sensation d’être oiseau dans les airs, en criant sa joie. Par désir de voir et de glisser sur les courants. L’avion, c’est elle, Aurélia, qui appréhende le passage physique d’images qui permettent de basculer.
(Basculer.)
Basculer dans la brume de l’enfance. Fugue. Ne rien oser toucher. Arrêt du temps. Peur. Guetter les pas de l’ogre, de l’intrus quand on est soi-même intrus, dans une vie, une autre vie, sa propre vie. Surface rugueuse poussiéreuse souvenir d’un repas impossible au cimetière aire de jeux.
Y rentrer malgré l’interdit, trouver des traces de la présence d’une vie qui n’est plus, regarder les photos qui jonchent le sol, regarder les objets, les toucher, l’envie de les prendre mais les laisser, les photographier pour les extraire de l’oubli, de mon oubli, se demander si la photographie pourra les sauver puis se rendre compte que même l’image n’arrive pas à capter cette sensation, juste la trace banale, les îles, nécessité d’un endroit perdu, le son intraduisible, étouffé mais fort, omniprésent.
(Retour à la case départ.)
Les arbres permettent d’apprécier le réel. Le rapport aux arbres, contrairement aux natures-mortes, agit comme l’appel de ce qui est vivant autour de soi, tout autour, dans la forêt. Chaque morceau de peau a des antennes, on guette le danger, la peau caressée par l’air et les feuilles, chaque feuille sa note.

APNEE TEXTE EMMELENE LANDON

Mourir, rassembler ses forces par Fabien Ribery

MOURIR, RASSEMBLER SES FORCES par Fabien Ribery / L’intervalle

Pour une exposition actuelle au Musée Balzac à Saché en Touraine, où elle a bénéficié d’une résidence de création, la photographe Aurélia Frey a choisi de suivre Henriette de Mortsauf, personnage principal du roman Le Lys dans la vallée (1836), durant ses derniers instants. Mal mariée, la vertueuse et douce héroïne, refusant l’adultère par devoir conjugal, se meurt de n’avoir pas cédé à Félix, qu’elle adore pourtant. Aurélia Frey a été touchée par cette figure du tragique féminin. Lui rendant hommage, elle imagine les dernières visions d’une femme au destin déchirant, appelant sa série Dilectae, en référence au premier amour de Balzac baptisé par lui-même Dilecta.

Dans la contemplation de la nature, des petits riens considérables empêchant de sombrer tout à fait, ainsi apparaît l’Intouchable, envers qui Aurélia Frey a ressenti plus que de l’empathie, une véritable communion d’âme. Des coquelicots, des dessus de lit, des objets très intimes, une rivière, voilà ce qui reste de la belle dame.

Une chanson triste et belle.

Les mots qui suivent sont d’Aurélia Frey, d’Honoré de Balzac, et de l’écrivain norvégien Tarjei Vesaas (1897-1970), autre grand amour de l’artiste.